Nihon Eiga

Critique Films : Mottomo Kiken na Yûgi 最も危険な遊戯 / Satsujin Yûgi 殺人遊戯 / Shokei Yûgi 処刑遊戯, Yûsaku Matsuda/Tôru Murakawa Yûgi/Game Trilogy !!!

Matsuda Sign

 

Bon, depuis ma chronique sur Black Rain, vous savez que pour moi Yûsaku Matsuda est l’un des meilleurs acteurs de tous les temps. Restant malheureusement injustement inconnu dans nos contrées, je vais donc m’employer à tenter de vous faire découvrir un peu plus précisément, certains grands crus de la filmographie de cet acteur légendaire.

yusaku5Nous sommes donc à la fin des années 70, l’année 1978 pour être précis, Yûsaku Matsuda dont la carrière est alors en pleine ascension, entame une collaboration avec un réalisateur nommé Tôru Murakawa (ayant par ailleurs fait ses premières armes auprès de Kinji Fukasaku), qui va définitivement faire de l’acteur une superstar. Cette collaboration entre les deux hommes s’étendant pourtant sur la courte période de 78 à 80, donnera nénamoins lieu à pas moins de 5 longs-métrages de très haut calibre et 1 série culte absolument exceptionnelle. (J’espère justement pouvoir inaugurer la section Series/Dramas avec Tantei Monogatari très prochainement…) Ainsi Mottomo Kiken na Yûgi aka The Most Dangerous Game, Satsujin Yûgi aka The Murder Game et Shokei Yûgi aka The Execution Game, forment une trilogie hard-boiled autour d’un tueur à gages nommé Shôhei Narumi, se retrouvant à chaque fois embarqué dans un contrat qui va mal tourner. Dit comme ça, vous vous dites peut-être : « Ok, donc en gros, ils vont nous resservir trois fois la même soupe »…Eh bien non, justement…L’emballage a beau être le même, la surprise qu’on y trouvera à l’intérieur, sera elle totalement différente. Mais avant de revenir là-dessus, laissez-moi tout d’abord vous présenter celui sans qui cette trilogie n’aurait sans aucun doute pas la même saveur, je veux bien entendu parler de notre légendaire Matsuda.

mottomo kiken na yugi poster1

satsujin yugi poster

shokei yugi poster

 

MOTTOMO10Ce qu’il faut d’abord commencer par dire, c’est que le Yûsaku de la fin des 70’s, était loin d’incarner l’archétype du héros au grand cœur. Tueur implacable le plus souvent, tantôt macho, tantôt tombeur, souvent brutal, parfois gaffeur, il avait davantage le profil type du parfait anti-héros. A mon sens, la période hard-boiled de Matsuda chez Murakawa, pourrait presque se résumer de manière iconique, à un équilibre parfait entre la coolitude d’un Steve McQueen, la classe d’un Chow Yun-Fat et la décontraction nonchalante d’un Jeff Bridges. En tout cas c’est comme cela que j’ai perçu le Shôhei Narumi du 1er & 2nd volet.

Et c’est là que réside tout l’intérêt de regarder cette trilogie dans sa continuité…car si la formule de l’anti-héros badass qui accepte le « jeu dangereux » d’un nouveau contrat, pour ensuite être piégé, avec son lot de distribution de baffes, tombage de fille, et gunfights en plan séquence, reste globalement la même, la saga prend néanmoins tout son sens, dans le changement assez radical de ton et d’ambiance, opéré à chaque nouveau volet. Ainsi, si le personnage reste physiquement le même (les 3 films ayant été tournés à la suite), la personnalité du héros elle, semble avoir murît à chaque nouvel opus, d’une bonne dizaine d’années.

yugi2On a donc dans le 1er volet, le jeune loup sûr de lui déjà méthodique et expérimenté, capable de grandes prouesses physiques (comme poursuivre une voiture à pieds 8-)), mais agissant parfois avec maladresse et humour. Dans le second film, si l’humour est toujours un peu présent, le ton se veut déjà beaucoup plus cynique et nostalgique. Le héros rentre cette fois-ci d’un exil à l’étranger (dans une continuité totalement indépendante des évènements du 1er volet), laissant supposer que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts entre les 2 récits (la scène où il retourne dans son ancien appart’, ne fait que confirmer cette impression). Enfin le dernier volet, l’humour a désormais totalement disparu, le héros mis à mal, y est maintenant froid et désabusé, forcé d’accepter un contrat de plus parmi tant d’autres, telle une machine à la mécanique toujours efficace, mais qu’on aurait peut-être trop fait marcher. Est-ce le contrat de trop ? La machine ayant déjà tant servi doit-elle être mise au rebut ? Dans ce dernier volet, on peut également établir un vrai parallèle entre l’évolution de la trilogie et les scènes où Matsuda se rend chez l’horlogère pour faire réparer sa montre…

Ainsi, une double lecture de la trilogie apparait, où d’une part, le mécanisme de l’horloge symboliserait le cycle infini et routinier de l’exécution des contrats par Narumi…et d’autre part, le temps qui s’écoule inlassablement pourrait être vu comme une métaphore de l’évolution volontairement « vieillissante » de la personnalité du personnage au fil des 3 films. (Je précise que les films ont tous été réalisés par Tôru Murakawa, on n’a pas basculé chez Del Toro en cours de route ;-))

YUGI444Bien qu’indépendant les uns des autres, on a donc à travers la caractérisation évolutive de son héros une réelle filiation entre les différents volets de cette trilogie et il est ainsi vivement conseillé de la découvrir dans le bon ordre, pour en apprécier toutes les subtilités.

Si le 1er film reste assurément mon préféré tant il cristallise à lui seul tout ce qui fait le charme du polar urbain pulp et du divertissement burné, avec cet équilibre parfait entre humour noir et sérieux. Chacun pourra cependant y trouver son compte, les trois métrages comportant tous, leur lot de scènes cultes. Le 2nd pour son intrigue à la Yojimbo et sa petite touche d’exotisme, le troisième pour son ambiance crépusculaire/paranoïaque à la croisée des films de Jean-Pierre Melville et Seijun Suzuki.

A noter que le ton pessimiste et très noir du dernier volet, pose déjà toutes les bases des deux collaborations suivantes entre les 2 hommes, à savoir Yomigaeru Kinrô aka Resurrection of the Golden Wolf en 1979 et Yajû Shisubeshi aka The Beast to Die en 1980. Deux joyaux du film noir tout aussi cultes, dont le 2nd est souvent considéré pour sa radicalité de ton et son protagoniste hanté par le Vietnam, comme le Taxi Driver japonais.

 

yugi55Ainsi donc, quelques années avant l’avènement des polars Hongkongais, le tandem Matsuda/Murakawa réussissait avec cette Yûgi trilogie, à apposer une empreinte sombre et stylisée au genre du polar hard-boiled, tout en optant pour une approche narrative singulière et originale, balayant ainsi tout souci de répétitivité, sur la durée des 3 films. Leur affinité pour le genre, se confirmera de façon encore plus marquée dans leurs remarquables réalisations suivantes. Mais se limiter uniquement à citer leurs travaux cinématographiques, ce serait oublier de rendre hommage au talent d’un certain détective nommé Shunsaku Kudô et à ses enquêtes résolues à la cool, qui marqueront à jamais, des millions de téléspectateurs japonais. Mais cela, je vous le raconterai une prochaine fois.

Merci de m’avoir lu,

En espérant vous avoir donné envie de découvrir ou redécouvrir ses pelloches hard-boiled oubliées du cinéma japonais.

Sayonara, Bye bye !!