Anim' Eiga,  Nihon Eiga

Critique Anim’ Eiga : Jûbei Ninpûchô 獣兵衛忍風帖 (Ninja Scroll), Kawajiri Hard-Boiled Master Style !!!

Kawajiri Sign2

 

yoshiaki kawajiri (2)Au royaume des Dieux de l’animation japonaise, il existe quelques génies dont la créativité visuelle est tellement unique et singulière, qu’il est totalement inenvisageable d’imaginer l’une de leurs œuvres, réalisée autrement que par la vision de leur géniteur.

Des mecs comme ça, il n’y en a pas des masses si on fait le compte…et Yoshiaki Kawajiri est définitivement l’un d’eux.

Héritier direct de conteurs hard-boiled tels que Rintarô ou Osamu Dezaki, avec lesquels il collabore alors chez Mushi Production, la boîte de prod d’Osamu Tezuka au début des années 70, Kawajiri fonde en compagnie de ses 2 ainés cités plus haut ainsi que de Masao Maruyama, le studio Madhouse en 1972. Se faisant ainsi la main en occupant divers postes d’animateur jusqu’au début des années 80, il franchit finalement le pas de la réalisation en 1984 avec le space opera SF Shinseiki Lensman, qui demeure assez peu connu. C’est en 1986, lors de la réalisation du second segment de l’omnibus Meikyû Monogatari aka Manie-Manie, aux côtés de Rintarô et Katsuhiro Ôtomo, qu’il va pouvoir affirmer son propre style. L’année suivante marque un tournant décisif dans sa carrière, avec l’adaptation d’une nouvelle d’Hideyuki Kikuchi, Yôjû Toshi aka Wicked City, qui demeure à ce jour un véritable chef d’œuvre « coup de poing » de l’animation japonaise. (Il retravaillera par la suite, de nouveau avec Hideyuki Kikuchi, notamment en réalisant une adaptation animée, basé sur la troisième nouvelle du personnage phare créé par ce dernier, le chasseur de vampires D, dans Vampire Hunter D: Bloodlust en 2000.)

C’est donc à la suite de la sortie en 87 du très remarqué Yôjû Toshi, que Kawajiri se lance dans l’écriture d’un nouveau récit se déroulant cette fois-ci, à l’époque du japon féodal. Ayant par ailleurs, travaillé comme animateur clé sur la superbe fresque de Rintarô, Kamui no Ken sortie en 1985, cette expérience a certainement dû éveillé son envie de raconter à son tour un récit d’époque, centré sur des samouraïs et des ninjas.

ninja scroll (2)Plusieurs années s’écoulent, lui permettant en parallèle de concrétiser d’autres projets sous la forme d’OAV (Original Animation Video), Makai Toshi: Shinjuku, Midnight Eye & Cyber City OEDO 808 (mes préférés 8-)), aux qualités toutes aussi exemplaires et dans la continuité de ses précédents travaux. Puis vint finalement l’année 1993, avec la sortie du chef d’œuvre ultime dont il est question aujourd’hui, Jûbei Ninpûchô 獣兵衛忍風帖 aka Ninja Scroll !!!

ninja scroll2Je ne vais pas y aller par 4 chemins, Ninja Scroll, c’est le genre de film, tellement unique, tellement parfait, qu’il est capable de déclencher des vocations artistiques à sa seule vision. Il y a des films comme ça, où rien n’est à ajouter, rien n’est à enlever, tout est exactement à sa place, pour en faire un véritable joyau du 7ème art, qui n’a et n’aura très probablement, nul égal dans l’histoire du cinéma. (Même son affiche déchire, c’est vous dire…et dieu sait à quel point sa compte pour une œuvre…enfin, du moins ça compte pour moi. :mrgreen:)

Nan sérieusement, vous en connaissez beaucoup des chambaras nimbés de surnaturel, avec un tel niveau de maturité artistique, tant visuel que narratif…à part Kamui no Ken évoqué plus haut (malgré un chara-design nettement plus daté à mon sens) perso, je cherche encore… Et puis la fluidité d’animation, elle est juste magnifique…et du 100% tradi’ hein !…Sans incrust’ moche à l’ordi où tu dois te convaincre bon gré mal gré, que c’était trop compliqué à faire à la main…non, là tout est dessiné de A à Z. Quant une œuvre en arrive à t’animer des enchaînements impossibles, avec un sens du montage et du découpage à tomber à la renverse, tu te dis que ces mecs ne font pas que nous conter leur œuvre, ils inventent aussi des trucs et ça c’est magique !! D’ailleurs, on n’a vu ça nulle part ailleurs depuis…un peu comme quand on s’apprête à regarder un Gosha ou un Misumi…limite tu dois te dire avant, ouvre bien grand les yeux, parce que ça, tu ne le verras que là !

ninja scroll1A noter que parmi les animateurs-clés de l’époque, on y compte Takeshi Koike, futur réalisateur du notamment  dantesque Redline (2010) !! C’est d’ailleurs aujourd’hui, l’un des derniers réalisateurs héritiers, du style hard-boiled de Kawajiri.

Vous l’aurez compris, en un mot comme en mille, Ninja Scroll demeure une tuerie visuelle d’une beauté graphique époustouflante, tout en conservant le charme du chara-design anguleux et ultra détaillé de l’époque (également signé Kawajiri himself 8-)), qui pour le coup n’a pas pris une ride !

D’ailleurs il n’y a qu’à comparer avec celui du Trailer promotionnel de Ninja Scroll 2 (qui peut-être ne sortira jamais :-() pour s’apercevoir que le design des perso n’a pratiquement pas changé, et reste toujours aussi génial. Le 1er film n’ayant malheureusement pas eu le succès escompté au japon à sa sortie en 1993, le second volet qui devait suivre dans les années 90, ne fut jamais porté à l’écran, bien que le scénario ait pourtant été écrit. Le statut culte de l’œuvre, sera acquis avec les années grâce à sa distribution internationale et plus particulièrement aux USA où il eut un franc succès, permettant ainsi à l’œuvre de refaire parler d’elle dans le temps, mais jamais au point de mettre ce 2nd volet définitivement en chantier. En l’état, malgré un superbe Trailer sorti en 2012 afin de récolter des fonds auprès des producteurs, le projet semble aujourd’hui être retombé en stand-by, puisque Mr Kawajiri travaille à présent sur une adaptation en série animée des aventures de Vampire Hunter D

 

yamadera seiyuu
Kôichi Yamadera : doubleur attitré des anti-héros les plus classes des 90’s.
seiyuu1
Sans oublier d’autres seiyuu prestigieux comme Emi Shinohara, Takeshi Aono & Daisuke Gôri.

Revenons-en au film, en signalant la présence au casting des seiyuu, du toujours impeccable Kôichi Yamadera, qui ne serait-ce que dans les années 90 prêta sa voix aux 4 (anti-)héros masculins des plus belles claques de l’animation japonaise des 90’s. A savoir, outre notre Rônin Jubei Kibagami dans Ninja Scroll, citons Togusa dans Ghost in the Shell (films et séries), Ryôji Kaji dans Neon Genesis Evangelion et enfin Spike Spiegel dans Cowboy Bebop. Il retravaillera une nouvelle fois avec Kawajiri sur Vampire Hunter D: Bloodlust, cette fois-ci en interprétant le charismatique Meier Link, l’antagoniste principal du chasseur de vampires. Aux côtés de Mr Yamadera, la belle et fatale Ninja Kagerô est interprétée par Emi Shinohara, principalement connue pour avoir prêtée sa voix à la plus sexy des Sailor, Sailor Jupiter. Le regretté Takeshi Aono (Piccolo Daimao de Dragon Ball & le Colonel Roy Campbell de la saga Metal Gear) vient compléter notre trio de protagonistes, tandis que Daisuke Gôri (tout aussi connu pour ses rôles multiples dans Dragon Ball dont Mr Satan, ainsi que Heihachi Mishima dans les jeux Tekken), endosse le rôle du Leader des 8 démons de Kimon, Genma Himuro, l’ennemi juré de Jubei.

N’oublions pas non plus de dire un mot sur le magnifique score musical de Kaoru Wada, soulignant parfaitement cette ambiance d’époque tumultueuse et pleine de mystères, avec des sonorités à la fois zen et annonciatrices de ténèbres. Enfin, la sublime chanson de conclusion composée et interprétée par Ryouhei Yamanashi, parachève le film par une touche de romantisme des plus pertinentes, puisqu’en fin de compte, l’œuvre n’est qu’amour.http://www.mad-movies.com/forums/public/style_emoticons/default/wub.png

 

ninja scroll5Pour conclure, en partant d’une histoire au postulat ultra simple, Yoshiaki Kawajiri aura réussi à y insuffler (grâce à son ambiance unique, sa mise en scène démente et le charisme de ses personnages) toute la complexité nécessaire, afin d’en livrer un authentique chef d’œuvre, doté d’une richesse visuelle et graphique absolument incroyable.

Ainsi, Ninja Scroll demeure à jamais une pierre angulaire dans l’histoire de l’animation, et si ça ne tenait qu’à moi, une date clé dans celle du cinéma.

 

Merci de m’avoir lu,

En espérant vous avoir donné envie de découvrir ou redécouvrir, ce méga chef d’œuvre de folie de la jap’animation 90’s !

Sayonara, Bye bye !!