Critique Films : A Better Tomorrow 英雄本色 (Le Syndicat du Crime), Heroic Bloodshed Cult Trilogy’s 30th Anniversary !!!
Sang yut fai lok 生日快樂 !! Eh oui, c’est en souhaitant un très gros Happy Birthday, que j’ai décidé d’inaugurer ce nouvel article ! Car en effet, la saga Ying Huang Boon Sik 英雄本色 aka A Better Tomorrow, fête les 30 ans de sa sortie en salles aujourd’hui même !!
Eh oui, déjà 30 ans rendez-vous compte, perso j’étais même pas né à l’époque , mais cela ne m’a pas empêché de découvrir et vénérer cette saga culte, qui est presque à elle seule le symbole de toute une époque pour les cinéphiles de cinéma asiatique du monde entier.
Alors que dire 30 ans après de ce monument du polar hongkongais des 80’s, si ce n’est que les balles fusent avec toujours autant de maestria, que les chansons des (bien trop tôt ) disparus Leslie Cheung et Anita Mui, nous font, plus que jamais, monter les larmes aux yeux et que Chow Yun-Fat demeure encore aujourd’hui, l’incarnation vivante du dieu légendaire de la classe et du cool (Avec Yûsaku Matsuda & Steve McQueen, toujours les citer ensemble pour préserver l’équilibre de la Triforce).
Maintenant, avant de parler vraiment des films, on va un peu parler surf et je vais vous raconter une petite histoire… Lorsqu’on est un pti’ gars des années 90, forcément à l’époque la grande vague du cinéma hongkongais, elle nous passe un peu au-dessus (c’est DBZ et la Jap’anim la priorité, enfin surtout les cardass & power level DBZ pour être précis), mais malgré tout cette vague on y était quand même indirectement confronté. Ne serait-ce que par Jackie Chan ou Jet Li via leur renommée internationale, ou encore les nombreux jeux vidéos ou OAV gorgés d’influences cinématographiques en provenance de Hong Kong. Aussi, si je vous dis tout ça, c’est parce que contrairement à beaucoup, je n’ai pas découvert cette saga à l’époque du pic de popularité qu’a connu ce cinéma là dans les 90’s, mais bien après… Dans le courant des années 2000…oui ça fait tard je sais, mais pourtant il n’empêche que ça tuait ! Ça tuait à un point comme c’est pas permis. Ça tuait au point de me dire, mais on a fait quoi de mieux depuis ?? C’est pas possible, ces films ont déjà 20 ans et pourtant ils sont 100 fois plus jouissifs en les découvrant sur ma TV, que tout ce que je vais voir en salle sur grand écran. Et c’est ça que je trouve fascinant avec le cinéma de l’époque et plus particulièrement celui de Hong Kong…c’est de découvrir ces films malgré le nombre important d’années écoulées et de se dire : Wouah mais il faisait ça à l’époque !! Ah oui et ça aussi ?! Non mais ce plan là il est ouf, j’ai jamais vu ça ailleurs !…et cette cascade, et cette direction artistique, et ces chorégraphies, et ça raconte tout ça en à peine 1h30-1h40, non mais c’est dingue !! Et le plus fort c’est que dans ce cas là, on ne peut trouver comme prétexte de mettre ça sur le dos de la nostalgie ou autre, parce que pour quelqu’un qui n’a pas grandit dans les 80’s (ou alors à peine), qui découvre ça dans le courant des années 2000 en pleine déferlante du tout CGI, et qui pourtant prend un pied intégral et ressent plus d’émotions devant un Zu, A Better Tomorrow, ou A Chinese Ghost Story, à un moment on se dit, il y a un truc…ces mecs ont un truc, c’est pas possible ? Une vision du cinéma tellement folle et avant-gardiste que personne n’avait jamais fait ça avant et que personne d’autre ne refera en mieux ensuite… à part eux-mêmes qui ce sont depuis surpassés à bien des reprises hu hu…
Aussi, je finirai cet interminable speech (en espérant que vous êtes toujours là) en disant simplement à ceux qui hésiterait encore à découvrir cette saga aujourd’hui : laissez-vous tenter… Peut-être aurez-vous la même réaction que moi ?… et vous retrouverez emportés par cette fameuse vague, à surfer dans un rouleau interminable de chefs-d’œuvres HK ! Et, par pitié en Vo (sous-titrée hein ?!) Laissez tomber les doublages de Raoul et Jean-Yvonne, et adoptez le cantonnais (oui comme le riz) ! C’est plein de charme le cantonnais, ça chantonne dans les intonations, ça laisse traîner la voix en fin de phrase avec nonchalance, vous verrez ça va vous changer la vie ! (Personnellement je n’oublierai jamais comment la VF à pu me ruiner la découverte de petits chefs-d’œuvres hongkongais comme The Blade ou The Killer… heureusement qu’aujourd’hui je connais la valeur inestimable de ces joyaux, mais comme quoi, les conditions dans lesquelles on découvre une œuvre jouent parfois pour beaucoup…)
Bon,voilà…et maintenant, si on parlait un peu de cette fameuse trilogie…
- 英雄本色 / A Better Tomorrow
Tout d’abord, je me suis longuement posé la question, est-ce bien nécessaire de revenir sur la genèse du projet,…(tant vous connaissez déjà certainement tous sa légende)…et que d’autres ont déjà dû la raconter avant moi avec plus de panache donc bon, on va voir… en cas je tâcherai d’être concis…
En 86 donc, le genre Heroic Bloodshed, héritier moderne du Wu Xia (contes de sabre chevaleresque), a déjà connu plusieurs beaux faits d’armes dans la première moitié des 80’s, avec notamment Men From The Gutter en 83 de l’inénarrable Lam Nai-Choi , Long Arm of The Law de Johnny Mak en 84, ou encore Hong Kong Godfather de Johnny Wang Lung Wei en 85, pour ne citer qu’eux, mais bien d’autres valent le détour. Cependant, il manque au genre cette figure iconique, ce film emblématique qui deviendra le chef de file de tout un courant cinématographique et qui redéfinira les codes et tendances à suivre pour les années polars qui suivront. Et ce film ce sera A Better Tomorrow. C’est là qu’entre maintenant en scène les 2 instigateurs du projet, 2 génies qui ne cesseront de nous émerveiller durant les 3 décennies qui suivront, j’ai nommé Tsui Hark & John Woo. Le premier, réalisateur/scénariste et grand patron de la Film Workshop s’adresse à John Woo (disciple du grand maître du Wu Xia Chang Cheh) pour mettre en scène un Heroic Bloodshed, que Hark imagine au départ avec un casting féminin. L’idée de casting féminin n’emballe pas spécialement John Woo, mais Tsui Hark revient finalement sur son idée, et laisse à John Woo le soin de développer le projet comme il l’entend. (Il est d’ailleurs fort probable que Tsui Hark réutilisera son idée initiale de casting féminin, en réalisant le tout aussi fabuleux Peking Opera Blues sorti la même année).
Le résultat sera celui qu’on connaît aujourd’hui… l’avènement d’une saga culte, une vision nouvelle du cinéma de Hong Kong de par le monde, mais aussi la création d’une des plus mémorables icônes du cinéma depuis Bruce Lee, celle du personnage de Mark Gor, incarné par (en avant la musique ta da da daaa, ta da da da daaa) Chow Yun-Fat !!!
Parce qu’il est vrai que la mise en scène a beau déborder de classe et de flamboyance, avec des prises de vues audacieuses, des ralentis iconiques, un montage impeccable de David Wu et un superbe score musical de Joseph Koo, le film doit aussi énormément aux compositions de son fabuleux casting.
Bon pour Chow Yun-Fat, pas besoin de s’étendre davantage sur tout ce qu’il dégage de par son look et son attitude (les photos parlent d’elles-même), il est le personnage pivot sur lequel repose toute la saga. C’est à travers lui que la trilogie évolue et s’articule, sans lui l’intérêt ne serait nullement le même et le plus intéressant dans tout ça, reste finalement que dans chaque volet l’acteur livre une composition différente du personnage, le rendant ainsi d’autant plus fouillé et complexe. (Bon ok, dans le 2 il joue Ken (son jumeau), mais c’est le même sang qui coule en lui et quand il revête le costume, c’est pratiquement comme si l’esprit de Mark réintégrait le corps de son frère, il y a une dimension quasi surnaturelle qui s’opère sous nos yeux…enfin perso, j’ai toujours vu Ken comme la réincarnation de Mark à qui on aurait donné une nouvelle vie…mais bon après ce n’est que mon avis de fanboy.^^)
La relation fraternelle entre Ti Lung (Ho/gangster) et Leslie Cheung (Kit/policier) est également particulièrement intéressante. Ti Lung ne veut pas décevoir son jeune frère Kit, tandis que Leslie Cheung ne supporte pas de voir Ho, son grand frère qu’il idolâtrait tant, comme un membre d’une triade. Ce que j’apprécie énormément dans cette saga, c’est le côté humain qui se dégage des différents protagonistes. La dimension dramatique est vraiment le point fort le plus abouti de cette trilogie, encore plus que ses gunfights (ça, c’est limite du bonus). Car c’est grâce à cette dramaturgie qu’on s’attache et qu’on se souvient autant des personnages, on a envie de les voir s’en sortir. A ce propos, le titre international A Better Tomorrow, est on ne peut plus approprié, dans la symbolique poétique à laquelle fait écho la destinée des protagonistes. En effet, les personnages aspirent tous à des jours meilleurs…tributaires de la condition morale qu’ils ont embrassé, mais qui les emprisonne aussi sur le plan humain et dans les choix qu’ils souhaitent faire. Quand on connait la façon dont se termine chacun des 3 volets, les mots A Better Tomorrow prennent alors tout leur sens… résonnant presque comme un dernier soupir désabusé, désespéré que pourraient prononcer les personnages. Il y a une dimension tragique et romantique absolument magnifique qui se dégage de ce titre, personnellement je le trouve fabuleux.
2. 英雄本色 II / A Better Tomorrow II
Succès oblige, forcément il fallait une suite…1 an et demie plus tard ce sera fait. Cette fois, John Woo & Tsui Hark s’attèlent ensemble à l’écriture du scénario et se partageront même une partie de la réalisation du métrage, même si seulement John Woo est crédité au générique. On a souvent entendu parler des divergences artistiques qui apparaîtront entre les 2 génies à partir de ce film, personnellement je m’en fout un peu beaucoup, tant le résultat à l’écran est mémorable, sans jouer la redite du 1er volet. Bigger and Louder dans tous les sens du terme, c’est ce que nous offre cette suite, quel que soit le degré chaotique qu’a pu avoir le tournage.
Du coup, niveau casting, on prend les mêmes et on recommence…Oui mais pas tout à fait. Chow n’est plus Mark mais Ken (il y a d’ailleurs fort à parier qu’un petit hommage à Ken Takakura ce soit glissé derrière ce nom, connaissant l’admiration de John Woo pour l’acteur…) et un nouveau venu rejoint le trio, Dean Shek, dans un rôle de composition particulièrement compliqué (la VF envoie d’ailleurs du bois, comme c’est pas permis), dont il se tire franchement avec les honneurs, tant sa chute précédent son retour, paraît désespérée à l’écran.
Par ailleurs, de tous les personnages déjà présents dans le 1er volet, c’est certainement celui de Leslie Cheung qui gagne ici le plus en épaisseur. Moins unilatéral que dans le premier film, on sent dès l’ouverture que le jeune Kit a gagné en maturité, les épreuves qu’il a dû affronter avec son frère l’ont rendu plus grave, le fait qu’il incarne cette fois-ci un flic undercover (grand classique du polar Hongkongais) le rend également beaucoup plus intrépide, bien qu’il reste indubitablement le chevalier blanc de l’équipe. Sa disparition tragique dont découlera le grand final est à ce titre d’autant plus symbolique, que Kit demeurait l’élément le plus pur et innocent du quatuor, le dernier rempart qui empêchait les autres de franchir le point de non-retour. La perte de leur frère estimé, va finalement les conduire vers la scène qui représente certainement l’apothéose d’action de la saga, l’une des plus magistrales scènes de gunfights de l’histoire du cinéma !
C’est lors de scènes comme celle-là qu’on s’aperçoit vraiment à quel point l’Heroic Bloodshed est l’héritier moderne du Wu Xia. Le final de ce A Better Tomorrow II, c’est un peu en terme de spectacle et d’action, l’équivalent 80’s de ce qu’à pu être The New One-Armed Swordsman (La Rage du Tigre) de Chang Cheh dans les 70’s. D’ailleurs ce n’est pas un hasard non plus, si les chorégraphies sont signées Ching Siu-Tung, qui réalisera par la suite pour la Film Workshop, les 2 trilogies emblématiques A Chinese Ghost Story et Swordsman.
Véritable leçon de cinéma à tous les niveaux, ce final reste une démonstration de mise en scène que seule une minuscule poignée de génies sera arrivée à égaler depuis, en de très rares occasions.
3. 英雄本色 III 夕陽之歌 / A Better Tomorrow III : Le Chant du Crépuscule.
1989, John Woo quitte finalement la Film Workshop après The Killer, tandis que Tsui Hark reprend les rennes de la saga pour livrer un dernier volet de la trilogie sous la forme d’une préquelle. L’histoire prend place au milieu des 70’s, Mark n’est pas encore le Mark qu’on connait du 1er volet et les 2/3 du métrage se déroule, non pas à Hong Kong, mais à Saigon, en pleine guerre civile.
A part Chow Yun-Fat, l’intégralité du casting est également renouvelé. On découvre une autre branche de la famille de Mark, son cousin joué par Tony Leung Ka-Fai et son oncle joué par Sek Kin (le grand méchant d’Enter The Dragon) et surtout celle qui va faire du personnage celui qu’il sera plus tard, la lethal woman Chow Yin-Kit, interprétée par la formidable Anita Mui.
Radicalement différent des 2 autres volets, celui-ci à souvent tendance à être mis à l’écart par rapport aux précédents, pourtant cette préquelle unifie magnifiquement le reste de la trilogie et boucle son cycle avec beaucoup d’originalité. Les cartes sont redistribuées, Chow & Tony, remplacent le duo fraternel de Ti & Leslie, tandis qu’Anita endosse cette fois le rôle que tenait Chow. De même cette fois-ci, c’est une romance qui lie principalement les personnages entre eux, contrairement à l’amitié qui prévalait sur tout dans les précédents, bien qu’elle soit toujours présente ici. On se retrouve donc pour la première fois embarqué dans un triangle amoureux, voire même quatuor amoureux avec l’arrivée du personnage de Saburo Tokito.
Le fait de voir également le personnage de Mark se transformer petit à petit en cette figure iconique que l’on attend tous, avec long manteau et sunglasses, se fait par ailleurs avec beaucoup de naturel, lors de scènes plutôt anodines, ce qui a le mérite de ne pas trop insister sur le fan service, même dans son final. Le personnage d’Anita Mui étant à l’origine de l’attribution de chacun de ses objets, ajoute une dimension romantique supplémentaire à Mark, vu qu’on n’avait jusqu’à présent aucun élément dévoilé sur sa vie amoureuse. Revoir les précédents volets une fois que l’on connaît l’histoire qui se cache derrière ses objets, donne à ce dernier volet de Tsui Hark, une influence assez particulière sur la trilogie. Impossible après de revoir les autres volets, sans avoir l’impression que Mark porte ses vêtements en mémoire de son défunt amour. Bien que plus détaché dans son approche, ce troisième métrage gagne ainsi un statu particulier, dans la manière qu’il a d’irradier à posteriori son influence sur les 2 autres. Et la façon sublime dont le personnage de Anita a été caractérisé en miroir de Mark (tout en lui conférent une réelle personnalité), joue énormément sur ce parallèle.
Vous l’aurez compris, pour moi cette trilogie forme un vrai tout, chaque volet étant aussi important qu’un autre, c’est une vraie saga mafieuse, comme il en existe si peu au cinéma avec un tel niveau de maîtrise. Les USA ont The Godfather, le Japon a Jingi Naki Tatakai et Hong Kong a donc Ying Huang Boon Sik.
Voilà donc pour ce (très) long article hommage anniversaire…Je laisse maintenant à Chow le soin d’allumer les bougies avec classe.
Merci de m’avoir lu,
En espérant vous avoir donné envie de vous replonger dans cette fresque inoubliable du polar Hongkongais.
PS : Il a été annoncé le mois dernier qu’un quatrième volet pourrait voir le jour avec Ding Sheng à la réal et Jackie Chan à la prod…l’avenir nous dira si le projet se concrétise et de quelle façon sera-t-il relié à la trilogie d’origine ?
Sayonara, Bye bye !!